En Suisse, le choix a été fait de rendre l'école obligatoire dès quatre ans et d'intégrer les deux premières années (4-6 ans) dans un plan d'études qui recouvre toute la scolarité obligatoire. Les résultats de nos recherches montrent que si cette intégration donne une visibilité plus grande aux apprentissages des tout jeunes élèves, elle a pour effet d'augmenter dans les pratiques l'utilisation de traces écrites pour évaluer les élèves et informer leurs parents de leur évolution. L'analyse du contenu des dossiers d'évaluation et des entretiens menés auprès des enseignantes permet de mettre en évidence un décalage entre les traces d'évaluation (prédominance d'outils mesurant des acquis cognitifs "facilement" quantifiables) et le discours des enseignantes sur les objectifs prioritaires des deux premières années de scolarité (socialisation et entrée dans le métier d'élève) relevant d'avantage de leur "jugement professionnel". Dans ce chapitre, nous faisons l'hypothèse que les enseignantes sont tiraillées entre leur conception du développement de l'enfant, leurs perceptions des attentes définies dans le nouveau plan d'études en vigueur en suisse romande et les fonctions attribuées aux outils d'évaluation. Concilier dans un contexte de renforcement des attentes : "évaluation pour l'apprentissage" (évaluation formative) et "évaluation de l'apprentissage" (le rendre compte), alors que l'abaissement de l'âge d'entrée dans la scolarité a pour but annoncé la lutte contre l'échec scolaire, tel est le défi que doivent relever les enseignantes genevoises.