La période d'insertion professionnelle des enseignants novices constitue une période cruciale de leur carrière, marquée par une double exigence : apprendre le métier tout en assurant l’apprentissage des élèves. Dans ce contexte, leur activité se caractérise par son indétermination et ses contradictions qui en découlent. Cette thèse soutient que le processus d’autorisation est l’un des processus clés permettant aux enseignants novices de gérer les multiples défis et exigences de la période d’insertion, tout en constituant l’un des piliers d’un professionnel autonome.
Le concept d’autorisation, encore inédit dans le champ du développement professionnel, s’inspire des travaux sur l’autorité éducative. Cette recherche le définit comme un double mouvement : l’auteur-isation – l’autorisation de soi par soi – et l’autorisation – l’autorisation de soi par autrui. L’auteur-isation correspond à la capacité de se donner l’autorisation a) en devenant et étant auteur de son activité professionnelle ainsi que b) en devenant et étant auteur de soi-même. Cette recherche explore les dynamiques d’auteur-isation par les enseignants primaires débutants et d’autorisation à travers le rôle joué par le chercheur-formateur.
La méthodologie repose sur une enquête collaborative, inspirée de la pensée de John Dewey. Les données, collectées grâce à des entretiens d’autoconfrontation simple sur une période de quatre années, couvrent la dernière année de formation initiale et les trois premières années d’entrée dans le métier. Durant ces autoconfrontations, les participants, accompagnés par un chercheur-formateur, analysent des traces vidéoscopiques issues de leur activité professionnelle et s’engagent dans une activité réflexive.
Cette étude doctorale se structure en trois entrées. La première entrée identifie trois configurations typiques d’auteur-isation, en s’appuyant sur les différentes phases d’enquêtes décrites par Dewey. Le renversement, illustrant un passage rapide de l’indétermination à une détermination sans investigation approfondie. L’élaboration, correspondant à une enquête complète avec des phases de problématisation et d’investigation avant d’aboutir à une détermination. Le hunting, caractérisé par une absence de phase de détermination finale. Quelle que soit la configuration, les résultats mettent en évidence que l’indétermination joue un rôle fondamental en tant que force motrice de l’enquête.
La deuxième entrée se concentre sur l’analyse des dynamiques langagières et révèle que les échanges discursifs favorisent l’autorisation. En considérant l’activité du chercheur-formateur, les résultats soulèvent l’importance d’accéder aux compromis normatifs des enseignants, notamment grâce à la mise en comparaison de différentes activités. Concernant l’activité des enseignants, ces interactions contribuent à construire une cohérence normative interne à leur activité professionnelle et à aligner cette activité avec leurs habitudes.
La troisième entrée explore l’évolution longitudinale du processus d’autorisation. En confrontant les résultats de l’enquête conduite par le chercheur-formateur aux conséquences déclarées par les participants, cette analyse met en lumière un processus progressif d’auteur-isation qui se déploie sur le long terme.
