Ces dernières années, les réformes curriculaires se sont succédé à un rythme soutenu dans de nombreux pays. Dans les nouveaux plans d’études, différents aspects du processus d’enseignement-apprentissage sont concernés par les changements : les intentions, les contenus, les organisations, les méthodes notamment (Audigier, Crahay et Dolz 2006). C’est le cas pour le récent Plan d’études romand, abrégé PER (CIIP 2010), introduit en Suisse francophone. La géographie y est ancrée dans le domaine des Sciences humaines et sociales, avec pour visée de construire chez les élèves des compétences à comprendre le monde dans une perspective citoyenne. Dès la première année de scolarité, cette géographie s’intéresse aux interactions que les Hommes nouent à travers l’espace, en y considérant l’élève comme acteur aussi. Elle intègre les représentations mentales, les intentions des différents acteurs pour comprendre le sens des actions qui marquent ou marqueront l’environnement et ses ressources. L’accent est donc mis sur une géographie explicative et systémique, qui intègre et va au-delà d’une géographie descriptive ou pratique.

Pour effectuer le bilan des apprentissages, les manuels scolaires soutiennent le travail complexe et permanent de référentialisation des enseignants (Figari 1994). Il revient toutefois aux enseignants de concevoir des instruments qui sont en cohérence avec les objectifs d’apprentissage définis. Ces conditions ont pour conséquence d’attribuer aux enseignants la responsabilité de cette cohérence interne dans la transposition curriculaire (Laveault et al. 2014), en l’articulant aux prescriptions et aux pratiques évaluatives en vigueur dans leur contexte d’enseignement.

Cette récente mise en oeuvre du plan d’études et de moyens d’enseignement, adjointe à la rupture épistémologique évoquée ci-dessus, pose de nombreux défis pour l’évaluation des apprentissages. Les enjeux concernent notamment la conception des tâches proposées en évaluation. Quelles caractéristiques présentent les tâches d’évaluation élaborées par les enseignants ? Dans quelle mesure les pratiques d’évaluation rendent-elles compte des nouvelles orientations de la géographie du plan d’études en articulation avec les prescriptions concernant l’évaluation ? Les moyens d’enseignement aident-ils à concevoir ces tâches ?

Notre article se propose ainsi d’éclairer la problématique de ce chapitre de l’ouvrage, en montrant que les enseignants et formateurs sont aux prises avec des références multiples et parfois en tension, que cela soit sur le plan épistémologique (entre plusieurs orientations de la géographie), sur celui de l’enseignement (entre nouveau et ancien curriculum) et de l’évaluation (entre les différentes prescriptions officielles, entre les pratiques personnelles des enseignants et les référentiels). Nous présentons d’abord le contexte d’enseignement de la géographie en Suisse romande, illustré par des exemples issus d’un nouveau moyen d’enseignement officiel introduit au primaire. Nous exposons ensuite le contexte d’évaluation qui prévaut pour les enseignants concernés par la recherche. Après avoir détaillé la méthodologie et les axes d’analyse choisis, nous présentons les principaux résultats obtenus.