Partant du postulat que la fiabilité de l’évaluation entre pairs en contexte scolaire implique une action délibérée de l’enseignant, nous proposons ici une analyse didactique relative à l’enseignement-apprentissage de l’évaluation en tant qu’objet de savoir. Nous montrons théoriquement d’abord que savoir évaluer ne peut être considéré en dehors de la prise en compte de ses aspects transversaux (évaluer en contexte scolaire), de ses aspects disciplinaires (évaluer en éducation physique) et de ses aspects thématiques (évaluer des contenus de danse contemporaine).
Nous proposons ensuite une construction théorique originale s’appuyant sur la théorie anthropologique du didactique (Chevallard, 1985, 1992), sur la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1986, 1988) et sur le modèle de l’action didactique conjointe (Sensevy et al., 2000 ; Sensevy & Mercier, 2007). Nous présentons ensuite deux axes d’analyses qui servent de fil conducteur au travail : l’étude d’une « continuité épistémologique » et l’étude d’une « continuité chronogénétique ». Afin de structurer nos données, nous distinguons l’étude du « savoir évaluer » selon deux facettes : « savoir à évaluer » et « savoir pour évaluer ».
Nous mobilisons une analyse clinique et expérimentale du didactique (Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2002, 2005) pour récolter, organiser et traiter des données présentant ici deux études de cas extensives d’une enseignante spécialiste d’éducation physique à Genève et d’une enseignante généraliste de Neuchâtel.
Les résultats permettent d’arriver à plusieurs conclusions :
1) Nous attestons empiriquement de l’existence de deux processus d’enseignement-apprentissage dédié au « savoir à évaluer » comme au « savoir pour évaluer », qui se déroulent en parallèle de celui dédié au « savoir danser ».
2) L’étude de la continuité épistémologique laisse apparaître un éclatement des types de tâche pour apprendre à évaluer, des techniques convoquées pour les résoudre, et donc des modèles technologico-théoriques qui font référence. Ces résultats nous conduisent à affirmer l’existence d’un « manque à savoir institutionnel » (Mercier, 1997) indiscutable quant au savoir évaluer.
3) L’étude de la continuité chronogénétique laisse apparaître des profils très différents relativement aux modalités d’enseignement-apprentissage du savoir évaluer. Nous présentons deux profils distincts et les effets consécutifs sur les apprentissages des élèves : une modalité « générative » et une modalité « opportuniste ».
4) Nous présentons et comparons, à l’aune de ces résultats et de l’entrecroisement des analyses, les (dys)fonctionnements de quatre systèmes autodidactiques régis par la relation qui se noue entre évaluateur-évalué (sous supervision de l’enseignant) au regard du savoir danser.
L’originalité de cette thèse, résolument ancrée dans le champ de la didactique comparée, réside avant tout dans la construction théorique. Nous y montrons la force des outils de ce champ pour étudier et faire émerger dans la pratique ordinaire des enseignants les traces de généricité/spécificité quant à ce type de savoirs, qui échappent tout autant à une disciplinarisation stricte qu’à une transversalité absolue.
