Cette thèse présente les résultats d’une recherche ethnographique sur les modalités d’acquisition de savoirs et de développement de compétences des acteurs des communautés de vente et de réparation des technologies numériques en Haïti. L’intérêt découle d’un questionnement épistémologique sur la compréhension de la diversité des modes d’organisation, d’acquisition et de transmissions de savoirs en situation informelle dans les processus d’usage et d’appropriation des technologies numériques. L’idée sous-jacente est que les processus d’apprentissage et de développement de compétences sont, non seulement, médiatisés par les technologies numériques, mais de plus, se réalisent dans et à travers des interactions avec un environnement socioéconomique, historique et culturel donné qui influence à son tour les processus de l’apprentissage. Aussi, la thèse s’appuie sur trois grands axes théoriques : l’activité humaine médiatisée par les technologies numériques, l’influence des pratiques sociales sur les processus d’apprentissage en situation informelle et le parcours de développement des compétences.
Mon terrain de recherche s'est situé dans le contexte haïtien où l’insertion et l’adoption des technologies numériques ont donné naissance à des communautés autogérées et auto-organisées que j'ai nommé dans cette thèse : communautés de vente et de réparation des technologies numériques. Ces communautés constituent des espaces singuliers où les technologies numériques sont insérées et adaptées selon des lois et des règles autres que celles répondant aux intérêts de l’économie mondiale. Cela crée une rupture avec le modèle classique et inégalitaire de transferts et d’innovation technologiques. Les activités des acteurs de ces communautés ont été observées à partir de la méthode ethnographique itinérante multi-sites.
Deux modèles ont été élaboré à la suite de l’analyse des résultats pour rendre compte des processus d’apprentissage dans ces communautés : le premier modèle présente le système d’actions dans lequel s’intègrent les activités (constructives et productives) des acteurs de ces communautés; le deuxième modèle présente le parcours de développement de compétences dans l’usage et l’appropriation des technologies numériques dans un contexte informel de vente et de réparation des technologies numériques.
Ces résultats invitent à considérer de nouvelles catégories dans l’analyse des modes de productions de savoirs dans le rapport de l’homme avec les technologies numériques. Les processus d’apprentissages et de productions de savoirs se réalisent selon un système d’actions complexe interrelié où l’apprentissage se réalise à la fois à travers les activités médiatisées et est assujetti au contexte socio-économique et culturel dans lequel elles se situent. L'appropriation des technologies et leurs usages sont donc inscrits dans un système d’organisation obéissant à des normes, des règles, des conventions qui donnent sens aux actions qui s’y déroulent. Lorsque ces conditions changent, l’action elle-même est modifiée.
Les processus de développement de compétences, de construction, d’acquisition et de partage de savoirs présentés dans cette thèse invitent à reconsidérer les modes d’accès et de construction selon une approche écosystémique et d’ouverture au regard des diverses réalités et possibilités existantes.
