En France, en janvier 2014, dans la mouvance de la Manif' pour tous, une campagne de désinformation a été lancée afin de convaincre les parents d'élèves qu'une « théorie-du-genre » était en train de s'infiltrer dans les écoles. Cette théorie était accusée de nier à la fois l'anatomie, l'identité et le libre arbitre des enfants. En plaçant la lutte sur le terrain scolaire, les détracteurs ont réussi une alliance stratégique entre deux populations croyantes qui n'ont pas l'habitude de militer ensemble : la droite catholique et les musulmans des quartiers (Fassin, 2014). Leur objectif : briser la relation de confiance qui existe entre les parents et l'école publique, et, in fine, militer pour une école à la maison, (en France comme en Suisse) seule garante de la transmission des valeurs familiales. Les enseignant-e-s du primaire, mal formé·e·s et mal informé·e·s se sont retrouvé·e·s démuni·e·s face à une situation qu'ils et elles auraient pourtant pu anticiper. Cette communication se propose de décrypter les discours médiatiques en montrant les différents glissements de sens et les approximations qui ont permis d'obscurcir les messages, depuis l'introduction en 2011 dans les manuels de biologie de lycée (Houel, 2011) d'un paragraphe parlant de construction de l'identité sexuée, jusqu'au retrait des ABCD de l'égalité, en juillet 2014. Nous contextualiserons ensuite cette polémique en montrant qu'elle part d'une conception figée du corps sexué, issue de l'anthropologie chrétienne (Morin-Messabel & Salle, 2013). Nous rappellerons alors, au moyen de documents, que celui-ci est également issu d'une construction historique (Laqueur, 1992).