Suite à l'inclusion d'Anisus vorticulus dans la directive « Habitats » européenne, au printemps 2003, une étude sur la distribution et l'écologie de ce gastéropode a été entreprise dans la plaine alluviale du Haut-Rhône français. L'étude présentée comporte trois objectifs : 1) effectuer une synthèse bibliographique des données disponibles sur l'espèce, 2) rechercher les paramètres environnementaux déterminant l'occurrence de l'espèce dans les secteurs alluviaux étudiés, 3) utiliser les données disponibles pour comparer la densité et la structure des populations dans les milieux où l'espèce est présente. Deux synthèses bibliographiques permettent tout d'abord de faire un état des connaissances disponibles sur la biologie et l'écologie de l'espèce au niveau européen, puis sur sa distribution connue dans la plaine alluviale du Haut-Rhône français avant le début de l'étude. En mettant en évidence les lacunes dans nos connaissances de l'espèce, elles offrent un support pour la suite des analyses. L'étude d'Anisus vorticulus a été menée à partir de matériel acquis entre septembre 2002 et juillet 2004, selon un protocole identique dans 25 anciens chenaux du Rhône dans les secteurs de Belley et de Brégnier-Cordon, complété par du matériel nouveau acquis entre septembre 2004 et septembre 2005. Ces secteurs comportent de nombreux anciens chenaux de tressage et des méandres abandonnés par le fleuve à des époques variées (appelés lônes et mortes) occupés en grande abondance par l'espèce. Les données disponibles comprennent l'occurrence et la densité d'Anisus vorticulus, ainsi que des caractéristiques de son habitat (physico-chimie des eaux, caractéristiques sédimentologiques, nature et structure de la végétation aquatique, connexion avec le cours principal du fleuve). La modélisation des préférences écologiques d'Anisus vorticulus à l'échelle des sites, à l'aide de modèles additifs généralisés (GAM), fait apparaître cinq variables d'habitat explicatives de la présence d'Anisus vorticulus dans les milieux étudiés : la saison, le pourcentage de matière organique dans les sédiments, la richesse végétale totale, le recouvrement de trois espèces de plantes aquatiques : Elodea canadensis, Hydrocharis morsus-ranae et Lemna minor. Les paramètres physico-chimiques de l'eau ne semblent avoir aucune influence sur la présence de l'espèce. Le modèle établi permet d'identifier simplement des sites où la présence d'Anisus vorticulus est potentielle, ou qui serait susceptibles d'accueillir l'espèce si l'on souhaitait favoriser sa dispersion. Une estimation de la densité de population d'Anisus vorticulus est proposée, afin de mettre en évidence l'importance des milieux dans le secteur de Brégnier-Cordon pour la présence et le développement du gastéropode. La Vieille Lône et la Lône des Nappes, avant modifications anthropiques, représentent les deux milieux les plus propices à l'espèce. Les résultats des mesures de la taille des individus, par station et par dates de prélèvements disponibles (avril, juillet, septembre), montrent une hétérogénéité de la structure en classes de taille des populations entre les stations. La période de reproduction et les vitesses de croissances ne paraissent pas identiques entre les milieux. L'intervalle relativement long entre les dates d'échantillonnage ne permet pas de proposer une analyse suffisamment fine des cycles de développement. Le suivi d'un milieu curé (Lône des Nappes) permet de montrer que l'espèce est capable de survivre et de recoloniser un milieu fortement modifié, notamment dans la couverture offerte par la ripisylve. Par le nombre de sites occupés par l'espèce et par les densité qu'elle y atteint, l'étude fait apparaître le secteur de Brégnier-Cordon comme exceptionnel tant à l'échelle de la France que de l'Europe pour le maintien de l'espèce dans un habitat peu anthropisé. Les recommandations de gestions consistent essentiellement à recommander le maintien des sites dans leur état actuel. Si la situation de l'espèce devenait critique dans le secteur, il conviendrait de veiller à empêcher un atterrissement trop rapide des sites (colonisation par le Phragmites) et d'envisager des introductions dans des sites potentiellement favorables. Des études plus précises sur la dynamique temporelle des populations, en relation notamment avec le régime thermique des milieux, ainsi que sur les échanges entre populations de sites disjoints sont des perspectives de développement nécessaires.