Cette thèse en théologie pratique part de la question de ce que peut représenter l’œcuménisme «spirituel», terme souvent invoqué dans la méthodologie œcuménique mais demeuré très flou, faute d’études approfondies. Elle se propose d’examiner ce concept – encore très peu exploré – à partir d’une de ses mises en œuvre sur le terrain, à l’exemple des communautés de Taizé (France), Jesus-Bruderschaft Gnadenthal (Allemagne) et Bose (Italie).
Elle fait l’hypothèse que l’on peut considérer des communautés monastiques incluant des membres de confessions différentes et orientées vers l’engagement œcuménique comme des lieux d’expression de cet œcuménisme spirituel, dans le sens où ces réalités anticipent une communion des Églises qui tarde à s’accomplir. Ces communautés monastiques interconfessionnelles offrent en effet un récit crédible de l’unité chrétienne déjà vécue de manière locale. Ce sont des «laboratoires d’unité»: elles font et sont le récit d’une spiritualité vécue, d’où la dimension narrative de ces lieux d’œcuménisme vécu.
Trois chapitres monographiques, analysant les pratiques d’unité de chacune de ces trois communautés et les réflexions œcuméniques de leurs membres, mettent en évidence trois modèles d’unité dans les communautés étudiées: un modèle «méta-confessionnel» à Taizé, soutenu par la méthode de l’œcuménisme réceptif (échange de dons entre traditions ecclésiales), un modèle «luthérien-christocentrique» à Gnadenthal, axé sur l’unité dans la diversité, et un modèle «catholique-conciliaire» à Bose, centré sur la notion de koinonia-communion.
La thèse présente alors la spiritualité dont ces trois lieux sont et font le récit – de manière diversifiée – comme une «méthode» œcuménique et comme un chemin d’unité. Cela est particulièrement patent si l’on considère la célébration du sacrement de l’eucharistie/cène, lieu de discorde et de division entre les traditions d’Église. Un engagement existentiel fort sous-tend le cheminement des membres de ces trois communautés, sans dénigrer la portée doctrinale, mais en n’omettant pas les autres dimensions de l’existence chrétienne communautaire.
En finale, la thèse soulève la question de savoir si le récit d’unité que ces communautés offrent peut être reçu par les Églises. Elle s’interroge en particulier: l’élan d’unité des trois communautés s’est-il estompé, de par la crise œcuménique récente et actuelle? L’auteur affirme que le récit de ces communautés peut continuer d’être lu comme une proposition à écouter, car ces communautés manifestent encore aux Églises que cette unité est praticable, surtout quand elle se situe au niveau de l’expérience partagée. Le dialogue de la vie n’est pas un simple préalable au dialogue doctrinal, il en est le terreau.
