La littérature économique et historique traitant du contrôle des loyers représente
l’entre-deux-guerres comme un changement de paradigme durant lequel
l’État intervient en faveur des locataires dans un marché jusque-là exclusivement
privé. Dans mon analyse de l’application du contrôle des loyers à Genève (1917-
1926), j’argumente que, dans l’agglomération, le régime de contrôle des loyers
n’implique pas de changement significatif dans le secteur immobilier. Pour ce
faire, j’explore l’intersection entre histoire économique et politique en effectuant
une analyse des conceptions des "profits immobiliers". Cette méthodologie me
permet d’avancer que ce nouveau régime ne modifie pas significativement les dynamiques
des relations immobilières en faveur des locataires : au contraire, par
l’inscription de l’"intérêt juste" du capital immobilier dans la loi, il consolide la légitimité
des propriétaires pourtant contestée à cette période. Je montre également,
à l’aide d’indicateurs statistiques et de l’étude de cas d’une importante société
immobilière genevoise, que ces conclusions sont étayées par l’absence d’effet significatif
du contrôle sur l’évolution des loyers. Ce travail mobilise donc un corpus
de sources hétéroclite : constitué principalement d’archives parlementaires ainsi
que des Bulletins de l’Union Genevoise des Intérêts Immobiliers, il est complété
par des études statistiques et des rapports d’activité de la Société Immobilière
Genevoise (SIG). En somme, mon analyse du dispositif de contrôle des loyers à
Genève s’inscrit non seulement dans une série d’études sur ce type de politiques
dans l’entre-deux-guerres, mais elle contribue aussi à une analyse plus large de la
construction de l’État social suisse et des politiques spécifiques du logement.