La santé sexuelle représente actuellement un objectif central des politiques de santé internationales et nationales. Et pourtant, sa mise en oeuvre varie en fonction des contextes locaux. Au moyen d’une méthodologie originale, qui combine ethnographie et démarche féministe, cette thèse a pour but d’analyser la trajectoire de la santé sexuelle du global au local. Tout d’abord, ce travail montre comment la notion de santé sexuelle a été définie et développée au niveau international depuis les années 1970 jusqu’au présent. Ensuite, en partant d’un terrain local mené sur plus de deux ans en Suisse, il s’agit de comprendre comment cet objectif international est mis en pratique dans des centres de santé sexuelle. Comparant au coeur de l’enquête deux centres dédiés à sa promotion en Suisse romande – un centre de santé sexuelle accueillant le tout public (anciennement appelé "planning familial") et un centre de santé sexuelle dédié spécifiquement aux Hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH) –, ce travail montre que localement quatre thèmes centraux émergent des observations et entretiens ethnographiques : la reproduction, la Prophylaxie pré-exposition (PrEP), les risques d’infections sexuellement transmissibles et les violences de genre. Mettant en dialogue différentes perspectives théoriques – le féminisme matérialiste, la justice reproductive, la biomédicalisation et la gouvernementalité du risque – l’analyse inductive de ces thèmes révèle différents décalages entre le niveau local et le niveau international. Tout d’abord, la centralité du thème de la reproduction atteste d’une déclinaison genrée de la santé sexuelle dans la pratique. Ensuite, la PrEP, révèle que les technologies médicales sont localement un élément clé pour les centres dédiés aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Et, les analyses sur la PrEP montrent un processus de biomédicalisation des HSH. Puis, le cadrage du risque est récurrent dans la mise en pratique de la santé sexuelle, alors que la définition internationale vise à s’en distancer. Finalement, la notion de santé sexuelle telle que définie au niveau international – qui est centrée sur la possibilité d’avoir des relations sexuelles positives et respectueuses, libres de coercition, discrimination ou violences – est en décalage avec la présence de récits de violences sexistes et sexuelles relatés par les professionnel·e·s en santé sexuelle et par les personnes qui consultent les centres de santé sexuelle sur une base volontaire. Cette thèse montre donc que des aspects de la pratique sont en dissonance avec la définition internationale. In fine, partir des pratiques, des discours en pratique et des discours sur la pratique est l’atout de cette thèse, puisque cette ethnographie révèle que le passage du niveau global au niveau local conduit à des gains, mais aussi à des pertes, ceci principalement en raison de logiques de genre.