En juillet 2004, l'Office fédéral de la statistique (OFS) annonçait une nouvelle baisse de la natalité et de la fécondité (OFS, 2004). 71 900 enfants avaient vu le jour en 2003 (contre 83 800 dix ans plus tôt). L'indice conjoncturel de fécondité atteignait le niveau de 1,39 enfant par femme, marquant une forte diminution depuis l'année 2000 (en 2004, cette valeur a légèrement augmenté pour atteindre 1,42 enfant par femme). L'âge moyen à la naissance du premier enfant se situait pour sa part à 29,7 ans et 62% des mères étaient âgées de 30 ans ou plus à la naissance de leur enfant1. D'autres données plus anciennes indiquent en outre qu'une proportion supérieure à 20% de femmes nées durant les années 1960 resteront sans enfant (OFS, 1998). La nouvelle baisse de la fécondité, observée en Suisse dès le début du 21e siècle, paraît donc se confirmer. Elle fait suite à la stabilité enregistrée durant l'ensemble de la période 1976- 2000, avoisinant la valeur de 1,5 enfant par femme. Les tendances actuelles de la fécondité ne traduisent pas seulement une nouvelle réalité démographique et le passage à un nouveau «régime» de fécondité, qui aurait pour conséquence d'accentuer le phénomène du vieillissement de la population; elles interrogent aussi sur les facteurs individuels et collectifs intervenant sur le nombre d'enfants qu'une femme met au monde en Suisse au cours de sa vie, et sur les raisons expliquant pourquoi une part de plus en plus importante de femmes restent sans enfant. Dans la situation démographique actuelle, la compréhension des facteurs agissant sur la fécondité est nécessaire, ne serait-ce que pour tenir compte de ceux-ci dans la formulation des politiques familiales. Mais aussi, une fécondité soutenue est indispensable pour assurer une évolution harmonieuse de la population. Il faudrait que chaque femme donne naissance en moyenne à 2,06 enfants pour garantir à long terme le renouvellement d'une population et assurer, par conséquent, une évolution démographique stable. Au cours des trente dernières années, le déficit cumulé des naissances, par rapport à cette situation théorique, est d'approximativement 840 000 (soit le quart du nombre de naissances enregistrées durant la même période). Ces naissances qui font défaut conduisent à un rétrécissement de la base de la pyramide des âges. Même si les flux migratoires compensent partiellement les naissances manquantes, ce déficit conduit à une modification de la structure par âge de la population suisse. Par extension, et supposant que les nations bénéficiant d'une croissance démographique harmonieuse sont les mieux à même de garantir une croissance économique positive et un développement durable, ce chiffre signifie un risque d'affaiblissement économique et social. Malgré l'importance du phénomène, les causes de la baisse de la fécondité observée de manière discontinue en Suisse et en Europe depuis les années 1960 restent mal connues. Bien que de nombreux facteurs aient été mentionnés, aucun modèle théorique n'a réellement réussi à s'imposer. La nouvelle tendance à la baisse observée depuis 2000 est d'autant plus difficilement explicable que, sans être spécifique à la Suisse, elle n'est pas observée avec une telle intensité dans les pays voisins: entre 2000 et 2002, la fécondité a légèrement augmenté en Autriche et aux Pays-Bas, elle est restée stable en France et, si elle a diminué en Belgique et en Allemagne, cette diminution a été beaucoup moins marquée qu'en Suisse. La présente étude vise, dans ce contexte, à fournir un certain nombre d'informations sur les mécanismes intervenant sur le niveau de la fécondité et sur les comportements individuels en matière de reproduction.