Le fragment est la forme par excellence de l'esthétique moderne, ne serait-ce que parce qu'il met en question la notion même de forme. Si le fragment est un genre ancien, un discours moderne sur le fragment trouve ses origines au 18e siècle autour de ruines archéologiques et d'autres fragments architecturaux. Au cours de son évolution dans l'art moderne, la notion du fragment qui s'attache à de tels objets, celle qui marque la trace ou le reste d'une totalité perdue, cèdera la place au fragment romantique qui évoque un tout métaphysique qui reste à être dévoilé. En revanche, le fragment contemporain est isolé, toujours en rupture avec un tout impossible et irrécupérable. Cet article suit les transformations du fragment sous ses diverses formes, ceci en relation avec la question plus générale de la forme artistique en tant qu'adéquation à l'expérience humaine.