Ce mémoire étudie les outils de transmission collective des savoirs paysans au sein de deux associations, l'une productrice de semence en Suisse, et l'autre promouvant l'auto-construction de machinerie agricole en France. J'utilise des méthodes de recherche qualitatives, notamment en ayant recours à des entretiens ouverts et semis directifs, des focus-groupe et de la participation observante. En plus des données issues du terrain, j'analyse le matériel auto-produit par les collectifs concernés, notamment du matériel audio-visuel (photographie, plan, cartographie, etc.). Ces diverses données sont analysées à l'aune de trois concepts -la communalité, les techniques paysannes et la sensorialité/le plaisir-. Ceux-ci ont pour objectif d'appréhender l'éventuel désalignement des outils avec les composantes dualistes de l'ontologie moderne occidentale, telles que, par exemple, l'opposition entre nature et culture ou celle entre corps et esprit. M'appuyant sur un cadre théorique décolonial, je questionne les conséquences de l'imposition de la science agronomique moderne dans le monde paysan occidental, notamment les implications épistémiques en terme de marginalisation de certaines formes de savoirs. Les résultats de l'analyse montrent qu'il s'avère difficile de catégoriser l'inscription des outils des deux collectifs au sein d'une ontologie précise. Pourtant, je constate tout de même que ces outils permettent de ré-inventer des formes de lien. Ils répondent ainsi à un processus historique de déconnexion des humains à l'environnement, initié par l'imposition de l'agronomie moderne dès le 19ème siècle.