Cette recherche analyse près de 200 dossiers d'interdiction civile de personnes adultes ouverts par la justice genevoise entre 1760 et 1840. Dans l'immense majorité des cas (95%), les procédures de mise sous tutelle soulèvent la question de la folie, plutôt que la prodigalité. Au début du XIXe siècle, codifiée et renforcée par le Code civil des Français qui essaime à l’échelle européenne dès 1804, la saisie juridique de la folie coïncide avec l’essor d’un savoir médical en voie de spécialisation. Pour autant, l'examen de "l'aliénation mentale" des justiciables reste une prérogative de la magistrature et ce n'est que partiellement, bien que de manière croissante, que la compétence médicale est sollicitée pour attester la folie. Dans la prise en charge de la folie, entre 1760 et 1840, les sphères judiciaires, médicales et administratives tendent progressivement à se superposer plus régulièrement, à fournir des points d’intersections plus nombreux. Mais dans une large mesure, ces sphères sont encore très indépendantes les unes des autres.