Les auteurs s'en prennent à la définition courante de la grande vieillesse (ou quatrième âge) par le recours à un seuil chronologique. Leur thèse est qu'une telle définition n'a pas de base scientifique -- l'âge chronologique ne pouvant servir que de marqueur, étant dépourvu en soi de tout pouvoir explicatif -- qu'elle n'a pas d'utilité opératoire dans le domaine de l'action gérontologique (par exemple en vue de circonscrire des populations d'individus présentant des besoins communs) mais qu'en revanche elle remplit une fonction idéologique en contribuant à l'étiquetage de la population de plus de quatre-vingts ans comme ensemble de personnes malades et dépendantes, dont l'augmentation démographique serait la cause principale de l'explosion des coûts de la santé. S'appuyant sur la théorie du parcours de vie, et recourant à la notion de santé fonctionnelle pour définir les principales étapes de la vie après le retraite, les auteurs montrent que l'échelle des AVQ permet de subdiviser la population âgée en des ensembles non plus probabilistes mais réels réunissant des individus partageant des attributs et des besoins précis (indépendants, fragiles, dépendants). Par ailleurs, le statut fonctionnel qui caractérise chaque ensemble s'avère être un prédicteur beaucoup plus puissant du profil général de santé que l'âge chronologique. Les auteurs étayent leur argumentation à partir des données d'une enquête menée auprès d'un échantillon aléatoire de la population âgée de deux régions de Suisse (60 ans et plus, N = 2100 personnes, 1994).