La police n'est pas un thème évident dans l'œuvre de Beccaria qui utilise le terme avec parcimonie et dans un sens qui évolue. Trois époques se distinguent qui recoupent autant de manières d'envisager la police à la fin du XVIIIe siècle en Europe: c'est d'abord une magistrature urbaine, une juridiction chargée des délits mineurs; c'est ensuite, dans la tradition germanique, l'une des "sciences camérales" au service de l'économie publique et de la richesse nationale; c'est encore, sous sa plume, une institution étatique de surveillance et de contrôle de l'ordre public. L'originalité de Beccaria ne réside pas dans une théorisation explicite du statut et du rôle de la police, mais dans la place qu'il lui accorde, implicitement, dans la nouvelle économie pénale en gestation: la "modération pénale" est conditionnée à la "certitude d'un châtiment". L'adoucissement de la pénalité repose sur les garanties de la poursuite criminelle et s'oppose à l'impunité. Cette idée simple a des conséquences immenses sur les réformateurs du droit de punir. Les révolutionnaires français, dès 1789, repensent les rapports entre police et justice envisagées comme deux institutions distinctes intervenant par étapes successives dans la chaîne pénale. La "police moderne" est née.