La Suisse est pauvre en restes squelettiques du Paléolithique. Pour le Mésolithique on ne dispose que du squelette de Birsmatten (Jura bernois). Par contre les documents se multiplient au Néolithique. Malheureusement, une grande partie de ce matériel est sans utilité pour l'anthropologie et n'apporte rien au préhistorien; en effet on manque de toute certitude au sujet de sa position chronologique et culturelle. Or il n'est plus possible aujourd'hui de se contenter d'une attribution au Néolithique. C'est surtout pour les crânes provenant des stations lacustres (Seeufersiedlungen) que cette insuffisance est sensible. La période la mieux pourvue en restes humains est le Néolithique moyen (groupes culturels de Cortaillod-Chassey et de Michelsberg-Pfyn), grâce à plusieurs cimetières ou à des tombes isolées, surtout à l'ouest (Pully-Chamblandes, Collombey-Barmaz, Lenzbourg, etc). Un matériel assez abondant est à l'étude et sera bientôt publié; il permettra de se faire une image assez significative du comportement démographique, génétique et morphologique des groupes de paysans primitifs du 3e millénaire av. J.-C. Pour le Néolithique récent (civilisations de Horgen et de la céramique cordée) la valeur des matériaux laisse beaucoup à désirer, même si l'on se montre libéral dans la critique des conditions de trouvaille. Le peu qui reste après ce choix délicat montre l'intérêt qu'offrirait une documentation plus complète, pour comprendre l'évolution qui s'est produite dans la population établie entre les Alpes, le Jura et le Rhin, au cours des derniers siècles du 3e et des premiers du 2e millénaire avant J.-C. au gré des influences, infiltrations et invasions venues du nord-ouest (civilisation de Horgen) et du nord-est (céramique cordée). Un seul crâne utilisable, des environs de Bâle, provient d'un groupe de porteurs de la civilisation du gobelet campaniforme. Le bronze et sa civilisation, qui pénétreront de l'est et du nord-est, surtout en quelques zones privilégiées (Grisons, Valais, Léman, Gruyère), sont-ils le fait de groupes migrants? D'après certains caractères des crânes du Bronze ancien, provenant surtout de la région rhodanienne, on peut penser à un apport extérieur. C'est dans la mesure où l'anthropologiste et le préhistorien coordonneront leurs méthodes et leurs efforts que l'on peut espérer disposer d'un matériel osseux assez sûr pour que soient apportées des solutions aux nombreuses questions posées par l'anthropologie du Néolithique suisse.