C'est à l'invitation d'Alfred Métraux que Michel Leiris s'est décidé à se rendre en Haïti, en octobre 1948, et à y prononcer quelques conférences. La dernière, intitulée "Antilles et poésie des carrefours" et radiodiffusée à la veille de son retour en France, lui permet de faire ses adieux à la population de l'île, et cela de manière tout à fait ritualisée, avec un préambule qui mime en quelque sorte un processus de sacralisation. Mais l'objet fondamental de ce texte est de décrire le mouvement par lequel Leiris, d'observateur extérieur et superficiel, a pu pénétrer à l'intérieur même du monde haïtien, en tant que poète, mais aussi dans la mesure où la part d'enfance qui sommeillait en lui s'est réveillée au contact du merveilleux, de la féerie que l'île peut faire surgir soudainement. Cette poésie qui sert de fil conducteur à sa conférence, Leiris l'a rencontrée également chez celui qui fut son compagnon d' «errance» durant ce voyage. Les lettres adressées par Métraux à celui qui était pour lui plus qu'un collègue montrent assez les points de convergence entre les deux hommes, à de multiples égards - instabilité qui pousse au voyage dépaysant; nostalgie du temps de l'enfance; goût du métissage; désir de «faire vivre» les choses qu'on décrit devant celui qui vous lit; et jusqu'au suicide, dont l'un et l'autre, quoiqu'avec une issue différente, ont fait l'expérience.