Dans le sillage d’un champ de recherche de plus en plus étudié, à savoir celui analysant les expériences des quartiers de prostitution par leurs riverain-e-s, ce mémoire questionne les représentations ainsi que les pratiques spatiales d’une vingtaine de résident-e-s du quartier rouge de Genève, en portant une attention particulière à comment ces dernières sont imbriquées et donnent vie au rapport qu’ils et elles entretiennent avec une zone spécifique de leur quartier. En relevant comment les traits de la travailleuse du sexe (TdS) et ceux du client sont à la fois ancrés dans le vécu des participant-e-s mais aussi et surtout dans des stéréotypes et préjugés sociaux, ce travail met en lumière la façon dont ces espaces hypersexualisés amplifient et renforcent les attributs de genre. Ce travail souligne aussi la coexistence paradoxale entre les aspects répulsifs et attractifs d'un même espace urbain, révélant la dynamique contradictoire entre une vie nocturne animée et ses conséquences sur la vie des résident-e-s. Si la prostitution et les TdS ne sont pas spécifiquement les principales responsables des aspects repoussoirs du quartier, les résultats de notre recherche montrent que d’autres populations participent à ce mouvement. En effet, l'imbrication du travail du sexe dans son contexte plus large expose un paysage urbain où la prostitution, loin d'être un phénomène isolé, est intégrée dans l'économie nocturne et de divertissement du quartier. Ce réencastrement démontre que le travail du sexe n’est pas le seul facteur d’actualisation des démarcations plus ou moins visibles entre des individus aux usages de l’espace public différents. Des enjeux de classe interviennent alors dans l'équation du rapport qu’entretiennent les participant-e-s aux lieux. Si en effet le quartier s’avère multiculturel et hétérogène d’un point de vue des classes qui le peuplent, parler de « mixité » dans les faits est peut-être quelque peu ambitieux.