Ernst Kris et Otto Kurz ont montré que les biographies artistiques sont peuplées d’éléments stéréotypés qui dessinent la figure idéale de l’artiste davantage que des vies singulières. L’histoire de l’art de la période contemporaine a-t-elle ajouté de nouveaux motifs à ce répertoire, et les textes autobiographiques obéissent-ils au même principe que les vies d’artistes ? Un souvenir d’enfance placé par Odilon Redon en tête de son principal écrit autobiographique permet de poser ces questions, car on en trouve des échos chez plusieurs artistes jusqu’à nos jours. Il met en scène le père du narrateur lui montrant des images dans les nuages, mettant en évidence le rôle de la perception imaginative ou projective dans la théorie et la pratique de l’art moderne. Le cas de Redon permet de supposer que la surdétermination d’un tel épisode n’exclut pas son authenticité mnésique.