L’imagination est l’état mental le plus fascinant de l’esprit ! Elle a, pour ainsi dire, une aura positive. De fait, chaque discipline revendique, d’une manière ou d’une autre, le déploiement d’une forme d’imagination. En partie à cause de cette fascination, le terme "imaginer" apparait aujourd’hui comme galvaudé : il prend tant de sens distincts qu’il semble vain de postuler une unité entre eux.
Le but de cette thèse est double : mieux comprendre la nature de l’imagination via la distinction mode/contenu et mieux comprendre la nature des modes à travers l’étude de l’imagination.
L’utilisation de la distinction mode/contenu est utile pour fixer des desiderata afin de clarifier ce qu’Amy Kind (2013) nomme le sens primaire de l’imagination – c’est-à-dire un sens qui réfère à une habilité spécifique, irréductible à d’autres états mentaux comme les croyances, les désirs, les émotions, … – et ainsi de répondre au défi de l’unité de l’imagination. La partie I de cette thèse est consacrée à l’identification de ces desiderata et à la distinction mode/contenu.
Après avoir éliminé, à l’aide de desiderata, les mauvais candidats à un sens primaire proposés dans la philosophie contemporaine (partie II), je soutiens que "imaginer" est un terme générique qui renvoie à deux types d’états mentaux : l’imagination sensorielle (S-imagining) et l’imagination cognitive (C-imagining).
Tandis que le premier type d’imagination concerne la plupart de nos images mentales ; le second type concerne notre habilité à nos immerger profondément dans des narrations ou des personnages. L’exploration de ces deux états mentaux, leurs architectures et leur normativité sont au cœur des parties III et IV de cette thèse.
Dans la partie V, qui conclue mon enquête, je soutiens que ces deux modes sont unifiés par un même type d’aspect architectural – être le miroir d’un autre état mental – et un même type d’aspect formel – tous deux visent spécifiquement à susciter une expérience à la première personne.
A partir de l’étude de la particularité de l’imagination, je soutiens également que, contrairement à ce qu’avance la doxa en philosophie de l’esprit, l’imagination n’a pas un rôle doxastique dans la cognition. Elle ne traque pas, per se, une propriété dans le monde actuel ou possible.
Cette considération permet de repenser la manière dont la littérature contemporaine aborde les modes psychologiques. En parallèle, cette considération permet de faire un lien nouveau entre l’imagination et l’art : tout comme la valeur de l’art est dite "finale" (ou une fin en soi), la valeur de l’expérience imaginative ne se trouve pas une quelconque contribution à la vérité mais est une fin en soi.