La physique des systèmes élastiques désordonnés permet d’étudier des systèmes très variés, tel que les côtes des îles anglo-saxonnes érodées par le temps, des fissures se propageant dans le granite, les parois de domaine dans les matériaux ferroïcs, et les fronts cellulaires en prolifération. Ces systèmes hautement complexes sont caractérisés par une compétition entre l’élasticité de l’interface, tendant à lisser les irrégularités, et les perturbations induites par le désordre et les inhomogénéités de l’environnement de l’interface. Cette compétition mène à des interfaces rugueuses, évoluant de manière hautement non-linéaire, décrite par des exposants critique et des classes d’universalités propres. L’avantage de l’approche statistique des systèmes élastiques désordonnés réside dans la puissance des exposants critiques, capturant les classes d’universalité décrivant la physique de telles interfaces, sans nécessiter une compréhension absolue des caractéristiques microscopiques de chaque système. Ceci permet ainsi de comparer et prédire les phénomènes physiques très distinct les uns des autres. Cette thèse se concentre principalement sur deux systèmes à priori très différents pouvant tous deux être décrit comme des systèmes élastiques désordonnés : Les parois de domaine ferroélectrique, et les fronts cellulaires en prolifération.
L’intense recherche sur les matériaux ferroélectriques a récemment permis de démontrer le délicat équilibre entre l’électrostatique, les contraintes mécaniques et l’électrochimie à la surface du matériel. Cet équilibre mène ainsi parfois à des organisations de polarisation particulières, et permet de découvrir des structures complexes ainsi que de nouvelles propriétés des parois de domaine ferroélectrique prometteuses pour de futures applications en nanoélectronique.
Les mécanismes cellulaires collectifs présents à la bordure d’une colonie ont également été longuement étudiés, par la biologie et la médecine. Représentant la plus simple illustration d’une cicatrisation et de la morphogenèse des organismes pluricellulaires. Des études récentes ont permis de tracer la vitesse de chaque cellule composant un front cellulaire ainsi que les forces exercées par celles-ci sur le substrat. En complément, de récentes avancées ont permis de mieux comprendre les similarités entre fronts d’un point de vue de la rugosité et de la dynamique du front.
Bien que ces deux domaines puissent sembler à première vue sans relation, le but de cette thèse est d’illustrer les caractéristiques communes existantes entre les interfaces de contextes aussi différents que ceux-ci mais toutes deux régies par des principes de physique statistique communs. Se basant sur les techniques et la méthodologie développés par l’étude des systèmes désordonnés élastiques, nous tenterons de simplifier la description des interfaces ferroélectriques et cellulaires afin de capturer les principes fondamentaux qui les régissent. Cette épopée nous fera explorer des échelles très diverses, du centimètre d’un front cellulaire à quelques angströms, pour la maille élémentaire d’un pérovskite.