Ce numéro interroge comment l'urbanisme pourrait s'anticiper de façon prospective aux mutations du commerce en cours en se dotant de stratégies visant à rendre compatibles les objectifs d'un développement urbain de qualité avec les nouvelles logiques du marché. Les changements sociétaux vont vers des modes de consommation multiples et changeants. Les consommateurs hypercontemporains diversifient leur pratiques: le même individu qui achète en ligne pour économiser du temps lors des achats-contraints, apprécie l'authenticité et le contact humain des boutiques du quartier pour des achats-plaisirs. Le commerce ne se fait plus uniquement au travers d'une interface commerciale physique, l'offre tend vers la diversification. Et cette diversification ne semble pas se faire toujours sur une logique de concurrence, mais sur une logique d'augmentation de cette consommation. Les centralités physiques coexistent avec les livreurs du dernier kilomètre et avec leurs plateformes logistiques en arrière-plan. Toutefois, les réponses urbanistiques à l'élargissement de l'offre de modes de consommation restent lentes et restreintes: bien que le binôme fordiste entre zones d'habiter et grandes surfaces ne soit plus privilégié, les nouveaux quartiers peinent à intégrer de façon globale une programmation marchande qui réponde à cet élargissement des modes de consommer. Le choix des thèmes ne s'est pas fait dans l'idée de témoigner des réponses urbanistiques «exemplaires» mais plutôt sur la pertinence des questions formulées, capables de s'affranchir de leurs ancrages territoriaux et d'incarner des problématiques plus générales qui trouvent certainement un écho en Suisse romande. Deux interrogations majeures se profilent, l'une temporelle et l'autre qualitative. - Est-il possible de rattraper les temps rapides des mutations des logiques marchandes à travers l'action urbanistique? Autrement dit, comment concilier les modes de consommation avec les modes de fabriquer la ville? - Quelles stratégies de qualification urbaine et d'organisation de ces activités commerciales sont envisageables sans tomber dans une marchandisation de l'espace public? Plus généralement, ces questionnements autour du rôle des centralités marchandes dans la qualité urbaine laissent apparaître une réflexion de fond: le commerce peut être mis à contribution de l'urbanité ? Comment faire le commerce avec la ville et pas contre la ville?