1932 est l'année de parution des Deux sources de la morale et de la religion, ouvrage dans lequel Bergson fait part de ses réflexions sur la guerre. Or, la même année paraît l'ouvrage du commandant Charles de Gaulle, Le Fil de l'épée, dans lequel il s'appuie sur la philosophie de L'Evolution créatrice pour proposer sa propre pensée de la guerre. A partir du même appareil conceptuel, Bergson et de Gaulle parviennent la même année à des conclusions radicalement différentes sur la guerre. Le premier but de cet article est donc de s'interroger sur la récupération que de Gaulle propose du bergsonisme: ne s'agit-il que d'une simple allusion littéraire, d'une trahison de la pensée de Bergson, ou d'une interprétation plus fidèle qu'il n'y paraît? Notre enquête portera en particulier sur leurs conceptions respectives de la guerre, de la personnalité et du patriotisme. Le but secondaire de cet article sera de faire le point sur la réception du bergsonisme dans la pensée militaire, en particulier dans les cercles proches du maréchal Pétain. En effet, il subsiste le préjugé selon lequel Bergson serait le penseur officiel de Vichy et du fascisme. Nous tenterons de montrer le caractère infondé de telles accusations.